Philippe Soupault

Kra, Ă©diteur
Paris, le le 10 mars, 1928.
Pneumatique

Cher Ami,
Je viendrai donc vous chercher demain matin, entre 9 H. 1/2 et 10 H., pour jouer au basket-ball, ainsi que nous en avons convenu par téléphone.
Très cordialement vôtre.

Philippe Soupault.

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Kra, Ă©diteur

Paris, le 29 septembre 1928.

Cher Ami,
Nous faisons de la culture physique demain à 10 heures au Stade St-Germain dans l’Ile St-Germain où vous êtes déjà venu ; je crois que ce sera assez bien.
D’autre part [,] pour le rugby, nous nous réunissons Mardi prochain 2 octobre à 7 h. moins quart, au café de Tourelles à Passy, au coin de la rue de l’Albony.
Au plaisir de vous voir, croyez-moi très amicalement vôtre.

Philippe Soupault

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Chez Francis, Grill room
Vendredi
[1931 ?]

Cher Volodia
Philippe vient de partir pout la Russie et vous serait reconnaissant si vous pouviez lui envoyer le plus vite possible (Grand Hôtel, Moscou) une lettre d’introduction pour Gorki. Il serait très heureux de le rencontrer et vous le connaissez, n’est-ce pas
Merci à l’avance et très amicalement à vous.

Marie-Louise Soupault

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C’était le 7 novembre 1933, anniversaire de la révolution d’octobre en Russie, à cause du décalage du calendrier grégorien. J’avais été invité (une fois n’est pas coutume) par l’ambassadeur de l’U.R.S.S., sans doute à cause de mon reportage dans Vu sur le pays des Soviets, à participer à cette fête anniversaire de la révolution. Une soirée très mondaine. Au moins deux mille invités à l’ambassade.
Je ne pouvais reconnaître personne, sauf Aragon et Elsa Triolet, très entourés. Un des invités (ce n’était pas encore à la mode) était un jeune Africain. Une jolie jeune femme, très élégante, demande à son amie Elsa Triolet : « Qui est ce nègre ? ». Elsa Triolet crut comprendre : « De qui est Le Nègre ? » et elle répondit : « Philippe Soupault. »
C’était un quiproquo. Le destin aime les quiproquos. J’avais remarqué cette jeune femme qui croyait que j’étais un très beau nègre. Ce qui me flattait sans doute. Parmi cette foule (comme toujours dans ce genre de réunion) je cherchai un interlocuteur. J’aperçu un de mes jeunes amis, Vladimir Pozner, un fils d’émigrés russes, intelligent et cultivé, à qui j’avais demandé, pour une collection que je dirigeais aux Éditions du Sagittaire, un panorama de la littérature russe.
Je demandai à Pozner de me présenter à cette jeune femme qui fut étonnée que je ne sois pas nègre. Elle avait entendu parler de moi lors d’un de mes séjours à Berlin.
– Philippe Soupault.
– Madame Richter.
Est-ce elle, est-ce moi qui compris au cours de cette première conversation que notre destin allait changer ?
Tous les deux sans doute.
Et notre destin changea.
Je repris un équilibre et retrouvai le désir de lutter. J’abandonnai mes habitudes nocturnes.

(Philippe Soupault, Mémoires de l’oubli 1927-1933