Sur Charles Chaplin

Lorsque, il n’y a guère longtemps, le censeur municipal de Memphis, dans le Tennessee, interdisait Les lumières de la ville, « vu le caractère et la réputation de Chaplin », il a ajouté qu’il n’y avait « rien à reprocher à ce film ». Comme s’il n’y était pas question d’un millionnaire qui ne devient humain que lorsqu’il est soûl comme une barrique ? Il y a, aujourd’hui, aux Etats-Unis, trop de millionnaires au gouvernement, et qui n’ont pas le whisky tendre.
Ce qu’ils ne pardonnent pas à Chaplin, il l’a défini lui-même, peu de temps après la fin de la guerre. La commission des activités antiaméricaines, qui se préparait à mettre Hollywood au pas, lui avait télégraphié de Washington pour l’inviter à venir déposer devant elle. Il répondit que ce voyage transcontinental, aux frais du contribuable, lui paraissait superflu. « Si vous voulez savoir ce que je suis, ajouta-t-il, je peux vous le dire. Je suis un fauteur de paix. »

Vladimir Pozner (années 1950)