Le 7 février 62, dans l’après-midi, une explosion voisine ébranle nos carreaux. C’était à côté, rue Mazarine, chez Vladimir Pozner. Volodia avait écrit récemment Le lieu du supplice, l’histoire d’un soldat du contingent qui est contraint en Algérie d’assister (au moins) aux tortures infligées aux Algériens. (…) L’OAS, où il y avait de fins lettrés, envoya un tueur chez Volodia. (…) Pendant que le docteur Aboulker l’opérait à la Pitié, j’attendais à l’hôpital avec d’autres amis et la délégation du Comité central du Parti communiste. Un des membres de celle-ci se lamentait : « Le camarade Pozner n’avait donc pas lu les instructions données par L’Huma ? Il était bien recommandé, en cas de bombe au plastic, de s’éloigner le plus possible et de se coucher à plat ventre. » Le ton était affectueux, mais désapprobateur. Volodia survécut. Il aura dans sa vie traversé pas mal de labyrinthes et d’épreuves ambiguës : le Parti, l’exclusion, l’exil en Amérique, le Parti à nouveau, Staline, la déstalinisation. J’aimerais bien qu’un jour il écrive ses Mémoires. Je ne suis pas sûr qu’il le fera. Ceux qui savent se taisent. Ceux qui parlent ne savent pas. Est-ce Lao-tseu ou un communiste qui l’a dit.
(Claude Roy, Somme toute, 1976)
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Je    t’embrasse.
5, rue de Lille (VIIe)