Jorge Semprun

Inventaire du monde, invention du roman

L’été 39, j’avais seize ans, je découvrais la littérature française, à seize ans on lit beaucoup, en plus dans une langue qu’on est en train d’apprendre ! D’un côté il y a eu la prose de Gide, et de l’autre côté il y a eu Pozner, Malraux et Guilloux. C’est-à-dire mes quatre maîtres, qui m’ont fait connaître la langue et aimer la littérature française. Le Mors aux dents m’est resté comme une révélation. (…) Déjà dans ce premier livre de Pozner, il y a ce rapport, cette tension entre l’inventaire – le factuel – et le roman. Il y a aussi cette palpitation de l’histoire, cette crudité de l’écriture, qui sont tout à fait typiques de Vladimir Pozner.
(…)
Tout de suite après Le Mors aux dents, et à cause de cette lecture, de l’impact du Mors aux dents sur moi, j’ai cherché à lire un autre livre de Pozner. Ça a été Les États-Désunis, qui avait paru en 1938, qui était donc tout récent, un livre dont la lecture a été pour moi très importante, car c’est un livre fondamental dans cette tentative de parler de l’inventaire du monde et de l’invention du roman.

Jorge Semprun (2005)